ARTSHARE

Dec 18, 2017

VN-VN : La culture culinaire vietnamienne


Dis moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es.
Qu’il soit né et qu’il vive au pays ou à l’étranger, toute personne retrouve au moins une part de son identité dans la nourriture. Pour un Vietnamien, un rouleau de cha gio, un bol de riz cantonnais ou un pho seront toujours les bienvenus, surtout quand ils confectionnés avec amour par Maman.
Bon appétit.

1. La culture culinaire vietnamienne
La nourriture constitue les traits de culture qui se manifestent dans la vie de tous les jours, matériellement comme spirituellement. A travers elle, nous pouvons sentir les valeurs morales, les us et coutumes de tout un peuple.
1.1 Influences géographiques et historiques
(A lire également :
VN-VN : Le Vietnam et les Vietnamiens
 
http://phu-tran.blogspot.com/2017/04/le-vietnam-et-les-vietnamiens.html
VN-VN : L’histoire du Vietnam en bref
 
http://phu-tran.blogspot.com/2017/05/lhistoire-du-vietnam-en-bref.html )


Ce qu’il faut se rappeler pour mieux comprendre l’alimentation vietnamienne :

- Le Vietnam est un pays agricole et les activités quotidiennes sont de fait reliées à la nourriture, avec le riz comme base. 
Le climat tropical permet de travailler la terre toute l’année.
La mer apporte également sa contribution.

- Le pays avait réalisé son expansion en longueur  du nord au sud, créant ainsi 3 régions avec des caractéristiques très distinctes que nous retrouvons dans l’alimentation :

= Les gens du Nord préfèrent une cuisine équilibrée, pas trop épicée, ni trop grasse, ni trop sucrée. Les mets caractéristiques sont : phở, bún chả ( grillade de poitrine de porc et boulettes de porc avec des vermicelles de riz), bánh cuốn (raviolis vietnamiens)giò lụa ou chả lụa (pâté de porc vietnamien), nem ou cha gio (rouleau de galette de riz frit, farci à la viande de porc haché et crevette et crabe),… Le rau muống (liseron d’eau) est le légume-symbole.

= Les gens du Sud, à l’opposé, sont plus friands de l’aigre-doux, ajoutant volontiers sucre ou lait de coco. Sont connus les
Bánh xèo (crêpe vietnamienne de couleur jaune), Hủ tiếu (soupe saigonnaise), et de nombreux plats réalisés à partir de différents poissons séchés (mắm). Les pousses de soja (giá) constituent le légume-symbole. La cuisine subit des influences chinoise, cambodgienne et thaïlandaise.


= La région du Centre est plutôt défavorisée géographiquement et climatiquement et la vie y est plus dure. La nourriture y est très épicée et plus salée qu’ailleurs. Le
Bún bò Huế (soupe de nouilles au bœuf, spécialité de la ville de la ville impériale Huế) est bien connu, mais aussi les fameux mắm. La cuisine ici emprunte quelque peu au peuple Cham.

- Le pays étant relativement pauvre, les gens mangent plus de légumes que de viande (un steak pour une personne dans un pays occidental serait ici découpé en lanières et cuisiné avec d’autres légumes) et le sens du partage est nécessaire pour que tous aient à manger. Gaspiller la nourriture est donc impensable.

- La culture vietnamienne est bien imprégnée par les « 3 religions » (Bouddhisme, Confucianisme, Taôisme) basées sur la hiérarchie, l’ordre et le respect interpersonnel. En est une illustration le proverbe « Manger en fonction de ce qu’il y a dans la marmite, s’asseoir en fonction de sa position » : à table (et surtout quand il y a peu à manger), il faut que chacun puisse avoir sa part ; il faut respecter les rôles respectifs des personnes présentes (hôte-invité, jeune-personne âgée, …), le contexte ou l’ambiance du repas, …
Dans la culture bouddhiste, un régime sans viande est basé sur un des cinq préceptes (ne pas tuer) et non sur la diététique du régime végétarien.

Quelques autres proverbes autour de la nourriture :
Même la foudre évite de frapper lors d’un repas (un moment important, « sacré ») ;
Manger est chose vile, manger peut rendre vil (éviter de perdre sa dignité pour cela) ;
Un morceau quand on a faim vaut un paquet quand on est repu (c’est dans le besoin qu’on apprécie quelque chose, le proverbe parle également du partage).

1.2 Caractéristiques de l’alimentation vietnamienne
Selon l’historien Hãn Nguyên Nguyễn Nhã, l’alimentation vietnamienne est caractérisée par :
- La diversité : le Vietnamien sait faire sienne de la culture culinaire des autres et sa cuisine est très variée.
- Le peu de gras : les mets sont à base de légumes, de tubercules ou de fruits, avec assez peu de viande et sont cuisinés moins gras (peu d’huile, peu de sauce épaisse) que les mets chinois.
- Les saveurs accrues : grâce à la sauce de poisson, les herbes aromatiques et bien d’autres épices.
- Des mets bons et sains (le surpoids est rare au Vietnam et encore moins l'obésité)
- La multiplicité des ingrédients (viandes, fruits de mer, légumes, épices, …) et des saveurs (aigre, sucré, salé, piquant,…).
- L’utilisation des baguettes (pour pouvoir se servir dans les plats disposés sur la table en commun et nul besoin de couteau puisque tout est déjà prédécoupé.)
- L’esprit communautaire : tous les plats sont présentés ensemble, en même temps, pour tout le monde (pas de parts individuelles).
- Convivialité et hospitalité : les Vietnamiens aiment inviter chez eux (et non pas au restaurant) famille, amis, collègues, … pour partager leur repas.

Autres caractéristiques :
- Les (bons) mets sont généralement fastidieux et demandent du temps à préparer. Les recettes sont parfois complexes et dépendent beaucoup de l’assaisonnement de chacun.
- Les principes de combinaison relèvent du « juste milieu » en termes d’assaisonnement (pas trop sucré, ni trop piquant, ni trop salé, ni trop aigre…). Ils obéissent aussi aux lois du Yin et du Yang et des Cinq Eléments.
Par exemple : Une soupe aigre (Yin) est généralement servie avec du poisson au caramel (Yang) ; un poisson-chat (Yin) grillé (Yang) sera associé au gingembre (Yang).

1.3 Les différentes occasions de manger
Au quotidien
 : Au petit déjeuner, les Vietnamiens mangent souvent du pain, du riz gluant, de la soupe de riz (cháo), des nouilles, des vermicelles...  Le repas principal se passe généralement le soir avec toute la famille.
Un repas typique est composé de 3 plats (viande, légumes et potage), le tout accompagné de riz et d’une sauce préparée (sauce de poisson ou sauce de soja).

Banquets (jours de fête, mariage, …) : les plats sont beaucoup plus nombreux et délicats, avec des spécialités selon l’occasion (porcelet lors d’un mariage, gâteaux de la Mi-automne, gâteaux de riz gluant le jour du Têt, …
(A lire également VN-VN : Us et coutumes du Têt vietnamien http://phu-tran.blogspot.com/2017/01/us-et-coutumes-du-tet-vietnamien.html )

En-cas (snacks) et gourmandises : se prennent à tout moment et plus par plaisir. Il s’agit de « gâteaux salés » (bánh cuốn, bánh bao = tourte à la viande, …), de « gâteaux sucrés » (bánh bò = gâteau à pâte levée,…), de tubercules (taro, igname, patate douce,…), de sandwichs, de maïs grillé,…
La gente féminine est friande de
ô mai (fruits confits salés), khô bò (bœuf séché), fruits confits et autres sucreries.


Nhậu : les hommes aiment nhậu, c’est-à-dire se réunir entre amis pour boire et grignoter des petits plats préparés (tradition d’origine sudiste ?). 

Ces accompagnements peuvent être archi-simples (cacahuètes, crevettes séchées,…) ou des petits mets plus élaborés, parfois à base d’abats.

1.4 Où manger ?
Le repas en famille à la maison est une institution mais il fait bon sortir de temps en temps.
Mis à part les restaurants – petits ou grands (même si les Vietnamiens préfèrent la qualité au luxe), il existe des « échoppes » sur le trottoir ou encore des marchands ambulants à la criée.
Pour ceux qui ne savent /peuvent pas cuisiner, il reste l’option du
cơm tháng qui consiste à acheter la nourriture « au mois » à un restaurateur ou une personne privée.

2. Au menu vietnamien
2.1 Les plats de base
Ce sont le riz (riz blanc, riz brisé, plat de riz complet avec légumes et viande, riz cantonnais, potage de riz / cháo), le riz gluant (xôi).
Les vermicelles de riz donnent lieu à différents plats tels que
Bún, Phở, Bánh canh ou Miến (dites cheveux d’ange), en potages, sautés ou « secs ».
Le
Phở est bien entendu le plus connu, surtout dans les régions du monde peuplées de Vietnamiens.
Les
, nouilles chinoises (de couleur jaune), les Hoành thánh (wonton), Hủ tiếu (soupe chinoise) et les Lẩu (fondue) sont d’origine chinoise.

2.2 Les entrées
Rouleaux 
: froids (gỏi cuốn ou rouleaux de printemps,…) ou chauds (nem ou chả giò, bánh cuốn,…)


Salades : combinaisons de légumes crus, d’herbes aromatiques, de viandes ou fruits de mer (crevettes,…) et, bien sûr d’une sauce (sauce de poisson, eau, ail, sucre, poivre, piment…).




2.3 Les plats de viande / poisson
Sont cuisinées toutes sortes de viande, même certaines viandes très « spéciales » (voir plus loin).
Le Vietnam bordant la mer et étant parcouru par d’innombrables fleuves et rivières, poissons, crustacés et autres fruits de mer ne manquent pas et offrent toutes sortes de délicieux mets.
Viandes et poissons peuvent être sautés, revenus, grillés, cuits à l’eau, cuits à la vapeur, cuits en saumure,… en association avec toutes sortes de légumes et d’herbes.
Les recettes sont donc légion. Comment donc les énumérer toutes ? Juste quelques exemples :
thịt kho (porc au caramel), cá kho (poisson au caramel), chả cá (vermicelles et filets de poisson frit au curcuma et aneth), gà rim nước dừa (poulet au jus de coco), bœuf à la citronnelle, … (Pardonnez moi si j’en passe.)

2.4 Légumes et potages
Les légumes peuvent être crus, cuits à l’eau, pochés, sautés, revenus, grillés,…
Les canh (potages), plats liquides de base, sont composés de légumes, d’un peu de viande, d’herbes et d’épices et se mangent  avec le riz.

2.5 Mets en saumure
- Dưa muối : Il s’agit de petits légumes confits (pas seulement concombres pour les cornichons) dans du vinaigre et du sel. Il en existe une grande variété, un peu comme les kimchi coréens.
- M
ắm (saumures de poissons ou de fruits de mer, crevettes,…).

2.6 Gâteaux et sucreries
L’appellation bánh recouvre toutes sortes de mets : salés (bánh bao / tourte à la viande, bánh cuốn / raviolis de riz, bánh xèo / crêpes vietnamiennes , bánh chưng / gâteau de riz, bánh mì / sandwich, …) ou sucrés (bánh dẻo, bánh nướng / gâteaux de la mi-automne, bánh bò / gâteau à pâte levée,…) et aussi les gâteaux secs, généralement sucrés.
Les bonbons et les fruits confits figurent parmi les sucreries.


2.7 Fruits tropicaux



Nous sont offertes toutes sortes de fruits exotiques : jaquier, corossol, ramboutan, lychee, longane, goyave, mangoustan,… et bien entendu, l’odorant durian.




2.8 Mets très très spéciaux
Difficiles à manger, même pour beaucoup de Vietnamiens, ce sont, entre autres : certaines viandes (rat de campagne, sauterelle, chauve-souris, serpent et … chien), certains fruits (durian), certaines herbes (hẹ / ciboule à feuilles, diếp cá / houttuynia,…).


3. Les boissons

- Bon nombre de spiritueux à base d’alcool de riz ou de riz gluant. Mais aussi des alcools de serpents et autres animaux spéciaux.




- Bières produites au Vietnam (à l’origine les fameuses Bières 33) : Bières Hanoi, Bières Saigon…
- Thés, comme dans la plupart des pays d’Asie.
- Café produit au pays depuis l’époque coloniale française.
-
Chè ngọt, fameux desserts sucrés sous forme de soupe ou de boisson qui se consomment chauds mais plus souvent froids.

4. Conclusion
Voilà un petit aperçu de la cuisine vietnamienne. Il faudrait une encyclopédie pour en faire un inventaire complet.
Nous retiendrons l’originalité et la richesse des mets et des saveurs, les traits de culture sous-jacents
Dis moi ce que tu manges et comment tu manges,…
Les Vietnamiens ne sont un peuple riche (pour ne pas dire « pauvre ») mais ils savent élever la nourriture à un niveau artistique, ils savent bien manger avec ce qu’ils ont et surtout, ils savent le partager entre eux.
Ah, que j’aime la cuisine de mon pays.

Yên Hà, Décembre 2017
(traduit de VN-VN : Ẩm-thực Việt-Nam)

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