ARTSHARE

Mar 17, 2013

Charles Aznavour le poète (1° partie)


Chaque poète, chaque écrivain a son style, sa signature, mais tous ont quelque chose à dire et les mots pour l'écrire. 

Charles Aznavour a des choses à dire comme le témoignent ses mille chansons et sa passion de la langue de Molière fait de ses chansons de véritables poèmes. 
J'ai toujours été un fan inconditionnel de Charles Aznavour et c'est sur cette facette particulière du personnage que je m'attarderai ici : celle du poète.
1. Un sacré bonhomme
Charles Aznavour, né Chahnourth Varinag Aznavourian voit le jour le 22 Mai 1924, rue Monsieur-le-Prince, à Paris, d’un père baryton Micha Aznavourian, Arménien né en Georgie, et d’une mère comédienne, Knar Baghdassarian, issue d’une famille de commerçants arméniens de Turquie.
Il grandit dans une atmosphère de musique et de théâtre et au milieu des nombreux artistes qui fréquentent le restaurant de ses parents. À neuf ans, ses parents l’inscrivent à l’Ecole du Spectacle et le jeune Charles prend Aznavour pour nom de scène et commence une carrière de chanteur et de comédien. 
Après des débuts difficiles, Charles Aznavour s'est imposé en haut de l'affiche pour ne plus jamais en redescendre. En France comme à l'étranger, il reste l'un des derniers totems de la chanson française.
Pendant ses soixante-dix ans de carrière, il s'est fait connaître et reconnaître pour ses multiples talents : auteur-compositeur (il a composé plus de mille chansons), interprète (il a chanté dans six langues différentes et a vendu plus de cent millions de disques à travers le monde), acteur de cinéma (il a joué dans plus de soixante films), artiste-peintre, mais aussi militant et diplomate en faveur de son pays d'origine, l'Arménie.
En 2011, à 87 ans, le goût de la scène lui fait donner une série de concerts à l'Olympia de Paris et en avril 2012, il se produit encore à la Maison symphonique de Montréal ainsi qu'au Capitole de Québec.
                                (Source principale : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Aznavour )

2. L'amour, toujours l'amour
Pour un poète, que chanter d'autre sinon la Femme et l'Amour ? 

Toi, par tes mille et un attraits

Je ne sais jamais qui tu es
Tu changes si souvent de visage et d'aspect,
Toi, quel que soit ton âge et ton nom
Tu es un ange ou le démon
Quand, pour moi, tu prends tour à tour
Tous les visages de l'amour 
                                            (Tous les visages de l'amour, 1975)

Mais quel est le vrai visage de l'amour ? L'amour est aveugle, l'amour se donne et se prend, se cueille comme fleur au printemps et se croque à pleines dents :

Le soleil brille à pleins feux

Mais je ne vois que tes yeux
La blancheur de ton corps nu
Devant mes mains éperdues
Viens, ne laisse pas s'enfuir
Les matins brodés d'amour
Viens, ne laisse pas mourir
Les printemps, nos plaisirs...

L'amour est facile à gagner et difficile à garder. L'amour, 
ça va, ça vient et ça s'en va :

L'amour, c'est comme un jour

Ça s'en va, ça s'en va l'amour
C'est comme un jour de soleil en ripaille
Et de lune en semaille
Et de pluie en bataille
Ça s'en va, ça s'en va mon amour
                                                   (L'amour c'est comme un jour, 1962)

L'amour bourgeonne, fleurit et exulte à coups d'espoirs et de promesses comme au temps de Roméo et Juliette, mais le voyage tourne parfois 
court et les cœurs sont perdus, les rêves, déçus et le charme, rompu :

... Nous irons à Vérone un beau jour tous les deux
Impatients, recueillis comme deux fous de gosses
En voyage d´amour, en voyage de noces
Nous irons à Vérone et nous serons heureux

Mais ton cœur a pris froid bien avant le voyage
Il a changé de cap au mirage de l´or
Alors mon cœur perdu a déplié bagages
Et mes rêves déçus n´ont pas quitté le port

Nous irons à Vérone un beau jour tous les deux
Mais Vérone est bien loin, tu as rompu le charme
Et Vérone se noie sous un torrent de larmes
On dit n´importe quoi quand on est amoureux

                                                                   (Nous irons à Vérone, 1973)

En plein cœur de Venise, la ville des amoureux,  gondoles et clairs de lune sur la lagune ne peuvent plus ranimer les feux de l'amour devenus cendres froides. Quelques gestes gauches, des silences creux de paroles non-dites et c'est trop triste, Venise, quand on ne s'aime plus :


Que c´est triste Venise
Lorsque les barcarolles
Ne viennent souligner
Que des silences creux…


Que c´est triste Venise

Le soir sur la lagune
Quand on cherche une main
Que l´on ne vous tend pas…

… Et que l´on ironise
Devant le clair de lune
Pour tenter d´oublier
Ce qu´on ne se dit pas…

… C´est trop triste Venise
Au temps des amours mortes
C´est trop triste Venise
Quand on ne s´aime plus.
                                      (Que c'est triste Venise, 1964)

A la fin du voyage, que reste-il de nos amours (Charles Trenet) ?


... Reste que ma voix sans écho soudain
Restent que mes doigts qui n´agrippent rien
Reste que ma peau qui cherche tes mains
Et surtout la peur de t´aimer encore
Demain presque mort

De t´avoir aimée, aimée de douleur
À m´en déchirer le ventre et le cœur
Jusqu´à en mourir, jusqu´à m´en damner
Que me reste-t-il, de t´avoir aimée?

Ne me reste plus
Qu´un amour que tu viens d´écarteler.
                                                            (De t'avoir aimée, 1966)

Les deux cœurs ne battent plus sur le même diapason, chacun a repris sa route vers d'autres cieux, vers d'autres lieux, et pourtant...

... sans espoir de retour 

Loin des yeux, loin du cœur, j'oublierai pour toujours... 
... et pourtant
Il faudra bien que je retrouve ma raison
Mon insouciance et mes élans de joie
Que je parte à jamais pour échapper à toi
Et pourtant, et pourtant
Dans d'autres bras, quand j'oublierai jusqu'à ton nom
Quand je pourrai repenser l'avenir
Tu deviendras pour moi, qu'un lointain souvenir
Quand mon mal et ma peur et mes pleurs vont finir
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi.
                                                          (Et pourtant, 1963)


La vie continue dans d'autres bras, dans d'autres draps, entre deux lits, entre deux cris, mais toujours et toujours, on revient sur ce passé qui n'est plus et qui, pourtant, inlassablement, ramène à l'autre. Entre nous.

Entre deux trains, entre deux portes,
Entre deux avions qui m´emportent
Entre New York et Singapour
Ma pensée fait comme un détour
Pour me ramener sur les traces
D´un passé que j´aimais tant
D´un bonheur qui semblait pourtant
De chaque jour, de chaque instant
Et je ressens comme une angoisse
Dans ma gorge qui se noue
Car tout est sens dessus dessous
Entre nous...


... Entre deux draps, entre deux rêves,
Entre deux fumées qui s´élèvent
Entre la nuit, le petit jour,
Ma pensée vole vers l´amour
Et fermant les yeux, j´imagine
Que le passé vit encore
Je reconstitue le décor
Et prends ta bouche et prends ton corps
Et sur l´humble théâtre en ruine
De mon 
cœur l´amour rejoue
Tout ce qu´il y eut d´un peu fou
Entre nous.
                                           (Entre nous)

Car il est des serments que l'on fait un jour pour toujours, des serments qui aliènent toute une vie, envers et contre tout :


...Sur ma vie j´ai juré que mon cœur

Ne battrait jamais pour aucun autre cœur
Et tout est perdu
Car il ne bat plus
Mais il pleure mon amour déçu

Sur ma vie je t´ai juré un jour
De t´aimer jusqu´au dernier jour de mes jours
Et même à présent
Je tiendrai serment
Malgré tout le mal que tu m´as fait
Sur ma vie
Chérie, 
Je t´attendrai.
                      (Sur ma vie, 1955)


L'amour, sous la plume de Monsieur Charles (du moins à travers ses chansons car l'homme est discret quant à sa vie privée) est sans complexe, sans retenue et parfois jusqu'au-boutiste (jusqu'à en mourir, mourir d'aimer...). Chez lui, l'amour est "Vie".

(Fin de la 1ère partie)
Yên Hà, Mars 2013
A lire le mois prochain, en 2ème partie :
- Le temps qui passe
- Charles le gavroche

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