ARTSHARE

Feb 8, 2012

Ma femme


Mon expérience des femmes est tellement insignifiante que je n’oserais l’étaler et je vais seulement vous raconter deux, trois petites choses pour vous divertir. Peut-être que des fois, vous vous y reconnaitriez et vous vous diriez « Tiens donc, lui aussi ? », ou au contraire, vous me diriez « Petit plaisantin, va ! ».
Ces précautions verbales une fois prises, je vais pouvoir vous livrer quelques petites anecdotes tirées de ma vie de tous les jours.  

La Première Dame et le Chevalier
Dès le premier jour de notre mariage, ma femme s’était empressée de me faire « Chevalier ». Emu jusqu’aux larmes, je mis un genou à terre pour recevoir le sacrement, mais très vite après, je découvris qu’elle voulait surtout dire « Chevalier servant ».
Dans notre jeu de cartes, elle est donc la Reine et moi, le Valet (et non pas le Roi). 

Comme disaient les anciens :
« Il faut éduquer ses enfants dès leur plus jeune âge, et dresser son mari dès le premier jour ».


Elle entreprit mon apprentissage et surdoué comme j’étais, je reçus mon diplôme deux mois après, avec les félicitations du jury. Non seulement je suis travailleur et consciencieux, mais aussi vif d’esprit pour la comprendre à mi-mots et lui éviter de se fatiguer à me préciser ses ordres. Par exemple, il lui suffit de se dire : « Ah la la, j’ai encore oublié mes chaussons en bas », pour qu’immédiatement, je vais les lui apporter sans qu’elle ait à me le demander.

J’ai la chance de travailler à domicile et courageusement, j’ai pris en charge tous les travaux domestiques en vrai « homme de maison ». Ceci d’autant plus que, grâce à mon statut d’ancien étudiant parti à l’étranger, j’avais appris à tout faire moi-même : les courses, la cuisine, la lessive, le repassage, la couture, les travaux de bricolage… La seule chose qu’elle a gardée pour elle est la cuisine, estimant que nourrir son mari relève de la responsabilité de la femme, me permettant de temps en temps de mitonner mes bons vieux plat français. (Je me demande tout de même si cette décision n’a pas été dictée par mes piètres talents de cuisinier ?)
En réponse à son généreux geste, je l’ai nommée « Reine » et « Première Dame », manière subtile de lui dire que même s’il y en avait une deuxième ou une troisième, elle serait toujours ma « favorite ». (Le restaurant peut être meilleur, mais le bol de riz quotidien restera toujours une valeur sure).
La Première Dame et le Chevalier, quels titres ! Que demande le peuple ?

  
Les trois vérités 
Tout mari désireux de préserver le bonheur du couple devrait connaître par cœur et appliquer stricto sensu les trois vérités suivantes :
      1.    La femme a toujours raison
      2.    Le mari a toujours tort
      3.    En cas de doute, appliquer 1.
  
Chers maris, si par inadvertance, vous vous engagiez dans un cas de forte incompatibilité d’opinions avec l’autorité supérieure et qui risquerait de dégénérer, respirez longuement, récitez le soutra ci-dessus puis agenouillez-vous pour plaider « coupable ». Et vous aurez peut- être une chance d’échapper à la peine capitale, autrement…
 
A ce stade, ami(e)s lecteurs (lectrices), n'allez pas trop vite en besogne pour conclure hâtivement que je suis un poltron. Je tiens à affirmer haut et fort que je suis un homme, que j’ai ma dignité d’homme et que je n’ai nullement peur de ma femme (ni de personne d’ailleurs). L’homme (un vrai de vrai) doit être fort pour protéger sa famille, bon et généreux pour donner et pardonner. Moi, j’essaie juste de protéger le bonheur familial dont je suis responsable et par la même occasion, mon bol de riz de tous les jours (Ventre affamé n'a pas d'oreilles, disaient les anciens).
Disons que j’aime et que je respecte ma femme, et là, je suis sûr que beaucoup de mes congénères (et leurs épouses) seront de mon avis, n’est-ce pas ?

Elle est tout pour moi
En effet, la femme est en même temps épouse et mère (je n’oserais écrire « grand’mère »), grande sœur et petite sœur, maîtresse et Maîtresse (mais pas élève), ami et amie, …
Elle est vraiment TOUT.
Dans la vie pratique, les choses sont encore plus claires quand, en l’épousant, je lui ai confié la gestion totale de ma vie. Elle est ainsi Reine et Premier Ministre, pouvoirs législatif et exécutif, Ministre de l’Intérieur et des Affaires Etrangères, elle assure la sécurité et rend la justice (en tant que procureur et juge, mais jamais avocate) et surtout elle a plein pouvoir sur l’Economie et les Finances.
Mais pour être tout à fait honnête, elle n’est pas « tout » puisque j’ai l’honneur et le privilège de détenir le ministère du Travail et celui des Transports. (Il faut bien rendre à César ce qui appartient à César, n’est-ce pas ?)
Le pouvoir n’est pas quelque chose qui se partage facilement depuis la nuit des temps mais je dois reconnaître et admettre qu’une autorité compétente (et donc responsable) doit avoir toutes les prérogatives et tous les moyens nécessaires pour mener à bien ses missions.
Pour diriger une nation, il faut une bonne dose de démocratie mais pour gérer un foyer, le régime matriarcal semble être le plus efficace.

Que serais-je sans toi ?
Que serions-nous, les hommes, sans vous, les femmes ? On se le demande encore tous les jours. Le poète (Louis Aragon) a toujours raison et le chanteur (Jean Ferrat) le dit haut et fort.
Vous l’aurez deviné, ma rencontre avec ma femme est bien l’évènement le plus important de toute mon existence. Je me dis souvent : « J’ai vraiment de la chance de l’avoir devant moi (et non pas à côté ou derrière), car comment aurais-je survécu autrement ? »
Par goûts personnels, j’ai toujours été un généraliste plutôt qu’un expert, ce qui fait de moi un médiocre à tout et surtout un bon à… rien. Je ne peux donc que me reposer entièrement sur elle.
Sans elle, qui se serait arraché les cheveux avec la paperasserie administrative, à vérifier les relevés bancaires, à déclarer les impôts, à téléphoner pour les réclamations, … sinon « Bibi » ?
Avec mon niveau musical, comment aurais-je pu monter sur scène, faire mon petit numéro sans son clavier et sa voix ? D’ailleurs, j’ai monté ce blog pour mes élucubrations, mais qui s’y serait aventuré s’il n’y avait pas sa contribution ?


Tout seul, j’aurais été juste un milliardième anonyme mais en l’épousant, j’étais devenu de fait, l’époux de la chanteuse et musicienne Thanh Tuyền, le gendre du regretté artiste cinématographique Đoàn Châu Mậu, l’acteur aux cheveux blancs, le beau-frère (par alliance) du célèbre compositeur Ngô Thụy Miên, l’oncle (toujours par alliance) du chanteur Hoàng Nam, sans compter toutes les autres ramifications…

Qui donc disait que « Devant tout homme, il y a toujours une femme qui réussit » ?
Décidément, qu’aurais-je fait sans elle ?

L’épouse et la mère
Messieurs les hommes (c’est peut-être un pléonasme, mais on ne sait jamais), notre première femme est notre mère mais la dernière sera notre femme.
Notre mère nous a mis au monde, nous a élevés, nous a appris les rudiments de la vie puis la vie a continué les leçons avant de nous confier aux jeunes filles pour nous déniaiser, et enfin, l’épouse est la dernière d’entre elles qui va achever notre apprentissage. Autrement dit, la mère assure le lever de rideau et la femme, le baisser de rideau. Fin de la pièce.
A notre naissance, notre mère nous a allaités pour nous nourrir mais comme nous y avons pris goût, notre femme a du prendre la relève pour assurer la continuité.
Le Mahatma Gandhi avait dit : « Si tu ne sais pas où aller, demande-toi d’où tu viens ». Nous sommes arrivés par le ventre de la mère, nous devons donc retourner dans le ventre de la femme. Je comprends mieux la parole du Sage. CQFD.
Petits, nous obéissons à notre mère, et devenus plus grands, il me parait normal que nous obéissions à notre femme. Piété filiale ou piété conjugale, même combat, question de logique.
Dans la vie d’un homme, en fin de compte, qui seraient les femmes plus importantes, sinon la mère et l’épouse ?
(la maîtresse relevant d’un autre registre).

Ce soir, nous avons rendez-vous
Nous allons au restaurant par envie, selon l’occasion qui se présente, mais le repas familial, lui, obéit à un rituel bien précis. Ainsi, quand notre envie de remplir le devoir conjugal commence à se faire sentir, nous devons convenir précisément de la date et du lieu pour que la cérémonie ait une chance de se dérouler.
Vous savez, c’est quelque peu épuisant de travailler à notre âge et nous n’avons pas l’énergie à penser à autre chose qu’à nous reposer et la fin se semaine reste donc la seule option possible. Et pour transformer l’essai, il faut planifier et organiser, afin de nous y préparer, physiquement et mentalement.

Mais rien n’est moins sûr et des fois, juste avant l’heure « H » du jour « J », elle commence à dire «  Mes paupières se font lourdes ! » et tout s’écroule.
« Tout suffocant et blême quand sonne l’heure, je me souviens des jours anciens et je pleure ».

Cancer du sein
De nos jours, la Science a fait de grands bonds en avant mais beaucoup de maladies, parmi lesquelles le cancer, font encore des ravages et chez la femme, le cancer du sein reste le plus fréquent.
Mieux vaut prévenir que guérir, et j’ai immédiatement décidé d’arrêter de fumer car selon les statistiques, le fait d’un mari fumeur serait une cause non négligeable du cancer du sein chez la femme. Je ne suis pas médecin et je ne comprends pas tout à tout mais bref, j’y crois.
Par ailleurs, commencer le traitement le plus tôt possible est le mieux et dans beaucoup de pays, le gouvernement encourage le dépistage de la maladie par une mammographie tous les deux ans.
Ces mesures ne me satisfont qu’à moitié car je me méfie des effets des rayons X et aussi du délai de deux ans (beaucoup de choses peuvent se passer entre temps) et à mon humble avis, un examen manuel et quotidien est une méthode beaucoup plus sûre. Il se trouve que ma femme partage pleinement mon avis et tout va pour le mieux.

Thé au harem
Nous commençons à prendre de l’âge, ma femme et moi, et le temps exerce impitoyablement son emprise sur nous. La moindre tâche, auparavant simple et facile devient aujourd’hui un vrai travail d’Hercules.
Fort de ces considérations, j’ai proposé à ma femme la chose suivante :
« Ma chérie, j’ai remarqué  ces derniers temps que tu es souvent fatiguée et que tu as besoin d’aller te coucher de plus en plus tôt et de te reposer plus en fin de semaine. D’ailleurs, moi aussi, j’ai de plus en plus de mal à remplir toutes les tâches ménagères. Et si nous trouvions une jeune femme pour venir nous aider dans notre vie de tous les jours ? Maintenant que les enfants sont toutes parties et que nous ne voulons pas d’animaux de compagnie, l’arrivée d’une troisième personne égaierait bien nos jours, tu ne trouves pas ?

Pour ce qui est des critères de sélection, je ne serais pas difficile. Du moment qu’elle parle notre langue, qu’elle est agréable à regarder (c’est quand même mieux), bien en chair (là où il faut) mais pas trop (elle reviendrait trop cher à nourrir), pas maigre mais forte physiquement (pour les tâches ménagères et pour m’aider à transporter le matériel quand nous allons chanter), et pourvu qu’elle fait bien la cuisine. Elle aura quelque charme (pour nous faire rire), elle aura une voix douce (nous avons besoin de calme) et si possible, elle saura chanter et jouer de la musique (pour te soulager sur scène), elle aura entre trente et quarante ans (plus âgée, elle ne nous serait d’aucune aide).
Ce serait bien plus reposant pour toi avec une telle femme à la maison, tu n’aurais plus grand-chose à faire, et quand tu seras fatiguée, elle te fera un bon massage (j’en profiterai aussi). Et quand le soir, tu as besoin de calme et de repos, j’irai dormir dans sa chambre pour ne pas te déranger.
Je m’inquiète surtout pour ta santé, tu sais, et d’ailleurs, pour ce ménage à trois, je te laisse le soin de la choisir toi-même ; dès le moment que tu es contente, cela me va. Qu’en penses-tu, ma chérie ? »


Je pense avoir marqué des points car ma femme n’a pas dit « Non » à ma proposition, d’autant plus que je lui rappelé avec insistance que dans tous les cas, elle est et restera la « Première Dame » (voir plus haut).
Je me demande bien pourquoi, un an après mon offre, elle n’a toujours pas dit « Oui » ?


Comprendre les femmes
Tant de choses ont été dites sur le sujet et je ne sais pas ce que vous en pensez, messieurs les hommes, mais à mon âge, après de longues années de réflexion et d’études approfondies, je n’y ai toujours rien compris et c’est peut-être mieux ainsi.
La fois où j’ai entendu ma mère dire à mon père : « Tu ne pourras jamais comprendre », j’ai ressenti un profond soulagement. Ce serait donc une vérité universelle depuis Adam et Eve ?


Venant d’une femme, « Oui » voudrait dire « Non » ou « Pas sûr », « Non » pourrait dire « Oui » ou « Peut-être », et « Noir » signifierait « Blanc » ou « Gris ».
L’homme devra toujours deviner le vrai sens des mots mais il n’aura pas le droit à l’erreur, il devra savoir lire entre les lignes et comprendre ce qu’elle ne dit pas.
Il pourra faire tout son possible pour lui faire plaisir mais il ne saura jamais s’il y a réussi, surtout quand elle ne dit pas ce qu’elle attend de lui et des fois, il ne comprendra même pas pourquoi elle est fâchée.
Les matheux habitués au rationnel comme moi auront encore plus de mal à comprendre car les problèmes liés à la femme ne se mettent pas en équations et l’ordinateur le plus sophistiqué y perdrait son latin.


Je suis aujourd’hui convaincu que la Femme est le chef-d’œuvre le plus accompli et le plus complexe de la Nature et dont l’Homme n’est que le brouillon.
Comment un brouillon pourrait-il comprendre l’original ? J’ai donc arrêté de me poser des questions pour me concentrer sur les trois vérités abordées plus haut.
« La femme a ses raisons que la raison ne connait pas »
(et que peut-être elle-même ne connaît pas ?)

Réserve-moi tes trois prochaines vies
Il est temps de vous annoncer que tout ce qui est écrit et décrit plus haut relève de la pure fiction (cf la deuxième vérité plus haut).
La vérité est que ma femme et moi, nous nous aimons (écoutez donc la chanson « Em gọi anh - Je t’appelle » qu’elle a écrite, composée et interprétée pour moi) et nous sommes très heureux ensemble.
Notre seul regret est de nous être rencontrés sur le tard et j’ai dû lui réserver trois autres mandats dans nos trois prochaines vies.
Et elle a dit « Oui » (un vrai « Oui »). 


Yên Hà, février 2012

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