ARTSHARE

Apr 12, 2018

VN-VN : Croyances et valeurs des Vietnamiens


1. Généralités
Pour vivre heureux sur terre et en société, en quoi croient les Vietnamiens ? Quelles sont leurs conceptions de la vie ? Quels sont leurs systèmes de valeurs humaines et morales ? Comment vivre une vie « juste » ?
Un système de croyances comprend en général une partie intrinsèque issue de l’histoire et de la culture d’un peuple (croyances populaires) et une partie extrinsèque que sont les religions (Bouddhisme indien, Christianisme européen, Islam arabe, …).

2. Les croyances populaires
Le Vietnam est situé dans une zone tropicale avec un climat de mousson et la nature y est riche et variée. 

Vivant de la terre, utilisant les ressources de la nature, les Vietnamiens ont depuis longtemps été animistes. Ils croient que les éléments naturels sont dotés d’une âme et les vénèrent comme des génies : nuage, pluie, éclair, tonnerre ; arbres (banian, aréquier,…) ; animaux (baleine, tigre, éléphant,…). Il existerait un génie de la terre, un pour les rivières, un pour la cuisine et le trio Bonheur-Prospérité-Longévité est bien connu.
Pour témoigner de leur gratitude envers des héros nationaux, ils les sanctifient et leur dédient des temples.

Respectueux de leurs origines, ils commémorent l’anniversaire de mort du père-fondateur du peuple vietnamien, le roi Hùng et tous les Vietnamiens ont dans leur maison, un autel des ancêtres pour vénérer les parents défunts. (Au Vietnam, l’anniversaire de mort est plus important que l’anniversaire de naissance).
Mieux vaut être aveugle et respecter la famille
Qu’être bien voyant et et ne pas vénérer son père

Nguyễn Đình Chiểu (dans le roman Lục Vân Tiên)
Les Vietnamiens croient également aux pouvoirs surnaturels et les superstitions sont par exemple : séances de médium, chiromancie, oracles, auspices, prières pour exaucer un vœu, …

3. Les religions au Vietnam
La culture vietnamienne (tout comme celles de la Chine, du Japon et de la Corée) est profondément marquée par les « Trois enseignements » que sont le Confucianisme, le Taoïsme et le Bouddhisme, trois disciplines qui se conjuguent et se complètent parfaitement ; la première prônant l’organisation sociétale, la deuxième s’occupant du corps humain et la troisième de la vie spirituelle.
En fait, le terme sino-vietnamien « đạo » a une double signification : religion (au sens strict) et « voie » (au sens large), entendons par là une voie spirituelle.
Ainsi, le Confucianisme et le Taoïsme ne peuvent être considérés comme des religions car la pratique ritualisée d’un culte ou d’exercices spirituels y sont absents. D’un autre côté, le Bouddhisme est parfois considéré comme religion bien qu'il n'y soit question ni de Dieu, ni de nature divine. Ceci explique la traduction française de « Trois enseignements » plutôt que « Trois religions ».

3.1 Influence confucéenne

Le confucianisme, fondé par Confucius (551 av. JC-479 av. JC), est une des plus grandes écoles de pensées philosophiques, morales et politiques de Chine, édictée dans le bur de construire une société prospère. Il a une grande influence en Chine, au Japon, en Corée et au Vietnam.

Indiscutablement, le confucianisme a apporté les bases essentielles pour réglementer une société mais ses excès (rigidité, conservatisme, passivité, …) constituent le revers de la médaille.


La morale confucéenne repose sur les responsabilités de l’individu vis-à-vis de lui-même, de la famille et de la société.
Son modèle d’humanité est un « honnête homme », pour reprendre l’analogie avec le modèle français du 17ème siècle, qui se doit de posséder les « cinq vertus » : Altruisme, Comportement « juste » en regard de la morale et du bon sens, Respect (courtoisie), Intelligence (pour distinguer le « bien » du « mal) et Loyauté (respect de la parole donnée).
Pour les femmes, les « Quatre vertus » sont : Aptitudes ménagères (cuisine, ménage, couture,…), Manières et apparences en public,  Expression verbale (douce et modérée) et Vertus féminines (respect, humilité, douceur).

3.2 Influence bouddhiste

Introduit vers le 3ème siècle av. JC, le Bouddhisme est la religion qui a le plus influencé le Vietnam (et d’autres pays du sud-est asiatique).

La morale bouddhiste repose sur les Quatre Grandes Vérités :
- La vie est souffrance, physique et morale ;
- Les souffrances proviennent de nos désirs, de nos attentes, de notre cupidité ;
- Nous pouvons nous affranchir de ces souffrances en renonçant à nos désirs pour vivre libres et heureux ;
- Les Huit Voies Justes pour atteindre cet état de Nirvana sont : Comprendre juste, Réfléchir juste, Parler juste, Agir juste, Vivre juste, Pratiquer juste, Se remémorer juste (le passé, le présent, le futur) et Méditer juste.
Les Cinq Préceptes sont : Ne pas porter atteinte à la vie ; Ne pas voler ; Pas d’actes sexuels sans engagement ; Ne pas mentir, ni médire ; Ne pas utiliser de produits qui nous font perdre notre lucidité.

En bref, le bouddhisme est une voie pour échapper à la souffrance en renonçant aux désirs inutiles et en ouvrant notre cœur aux autres (la compassion est un précepte-clé).

3.3 Influence taoïste

Le Taoïsme (Tao = Voie) est fondé par Lao Tseu (considéré comme contemporain à Confucius) et a été introduit au Vietnam vers la fin du 2ème siècle.

La doctrine repose sur les pensées cosmiques (le Ciel et la Terre, les Cinq Eléments), les théories sur l’énergie, le Yin et le Yang ainsi que les traditions de pratiques corpo-spirituelles (respiration, Tai Chi Chuan, Qi Gong, méditation,…).

Ses enseignements sont plus que complexes et difficiles à comprendre et s’exercent plus dans les pratiques concrètes.

3.4 Influence des autres religions
Issus des Trois Enseignements, d’autres courants religieux sont apparus : Caodaïsme (Cao Đài) basé sur le confucianisme, le Bouddhisme Hoà-Hảo, …
Le Christianisme a été introduit au Vietnam dès le 17ème siècle par les missionnaires européens.
L’Islam et l’Hindouisme sont surtout pratiqués par les peuples Chams (du Champa).

4. Le système de valeurs des Vietnamiens
Il est généralement constitué par une certaine combinaison des croyances et des Trois Enseignements.

- Les Cinq vertus (pour les hommes) et les Quatre Vertus (pour les femmes) constituent la base des préceptes moraux. 

- La famille joue un rôle primordial et la piété filiale, l’attachement conjugal et le culte des ancêtres sont des vertus-clés. Au Vietnam (et en Asie de manière générale), les enfants, même adultes), doivent politesse et obéissance aux parents (et aux aînés de manière générale).
La maxime «  D’abord apprendre le respect avant d’acquérir les connaissances » sert de principe de base au système éducatif vietnamien.

- Le sens de la responsabilité, du devoir par rapport à soi-même et à la société. Les Vietnamiens n'aiment pas déranger les autres et ne se font pas trop remarquer négativement.

- Le Juste Milieu (équilibre, harmonie, impartialité…) prôné par Confucius trouve bien des adeptes et les Vietnamiens sont parfois un peu "Normands".

- L'instruction est recherchée et les parents se sacrifieraient toute leur vie pour que les enfants accèdent aux études supérieures.

- Certaines valeurs sont propres aux pays pauvres : Sens de l'Economie (pas de gaspillage), sens de l'Effort au travail, Compassion et esprit d'Entraide.

A l'inverse, le côté "passif" dans le Confucianisme se traduit par un certain manque d'ambition chez les Vietnamiens.

5. Quelques remarques générales
- Le Vietnam est un pays poly-religieux.
- Les Vietnamiens semblent très tolérants vis-à-vis des religions dont ils n’ont pas une notion de pratique très stricte : un chrétien croit en Dieu ou un bouddhiste croie en Bouddha mais Jésus et Bouddha se partagent la place avec les parents défunts sur l’autel des ancêtres, ils iront à l’église à Noel et à la pagode les jours du Têt (nouvel an vietnamien) ; le Caodaïsme est un mélange des trois enseignements, de l’Islam, du christianisme et vénère Sun Yat-Sen, Nguyễn Bỉnh Khiêm et Victor Hugo,…
La religion est surtout un moyen, un espace spirituel et sacré qui contribue à créer un système moral et un espace social multiforme.

Les croyances et valeurs vietnamiennes sont multi-facettes, intégrant croyances populaires, superstitions et religions le plus naturellement. Une personne non-croyante va spontanément prier Dieu, Bouddha, les parents défunts pour sortir d’une situation difficile.

(Multiforme, Intégrateur, Tolérant semblent être des traits communs de la culture vietnamienne, si l’on se réfère aussi à la langue et à la cuisine.)

En fin de compte, la principale issue pour un Vietnamien est : comment vivre conformément à la voie naturelle, aux lois du Ciel (terme générique pour désigner tout Dieu ou Etre Suprême), face aux besoins quotidiens et futurs (la réincarnation fait partie des croyances).
Une discipline de vie.

5. Evolution des mœurs
Les croyances et pratiques décrites ci-dessus datent de la nuit des temps et font partie du patrimoine culturel vietnamien.
Cependant, il nous faut comprendre que :
- les croyances populaires sont généralement issues des zones rurales et ont moins d’influence dans les zones urbaines ;
- les us et coutumes anciens se perdent plus ou moins avec le temps et l’évolution du monde «moderne » ;
- le régime politique d’un gouvernement a les moyens d’influencer, directement ou indirectement, la vie spirituelle de la population ;
- pour les Vietnamiens vivant à l’étranger, la culture du pays d’accueil joue son rôle de « melting pot », a fortiori sur les générations suivantes.


De toute façon, un héritage culturel s’inscrit dans l’ADN d’un peuple et même s’ils évoluent, les traits de caractère dorment toujours, d’une manière comme une autre, dans notre inconscient collectif.

Un Vietnamien est et reste, toute sa vie, un Vietnamien.


Yên Hà, Février 2018

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