ARTSHARE

Aug 28, 2012

La force de vivre



Serengeti est une région de vastes plaines en Tanzanie, Afrique. Sur trente mille kilomètres carrés, des millions d'animaux sauvages vivent en toute liberté, sous la protection du gouvernement. La savane est connue pour la grande migration annuelle de quelques deux millions de gnous et de sept cent mille zèbres qui, au rythme des saisons des pluies, parcourent près de deux mille kilomètres à la recherche d'herbe fraîche, malgré tous les dangers qui les attendent en route.
Quand mon fils avait six ans, je l'avais emmené voir le film-documentaire "Serengeti, la grande migration", tourné sous format IMAX et projeté sur écran géant. Lors de la scène du passage de la rivière Mara où les petits gnous se faisaient dévorer par les crocodiles, il s'était mis à pleurer à chaudes larmes, inconsolable.

Pour ma part, le film m'avait interpellé sur deux choses merveilleuses :
- Lors de la traversée de la rivière, malgré les milliers de crocodiles affamés qui les attendaient, les gnous s'étaient tous jetés à l'eau, s'efforçant de traverser au plus vite afin d'échapper aux prédateurs. Ils étaient parfaitement conscients du danger mais aucun n'avait hésité à s'y lancer, car il n'y avait aucune autre alternative. Rester, c'était mourir de faim, y aller était risqué mais il restait au moins une chance de réussir.

La problématique me fait penser au drame des Boat People vietnamiens obligés de risquer leur vie, dans l'espoir d'une meilleure vie pour eux-mêmes et pour leurs descendances.
Je repense avec tristesse aux cinq à six cent mille (estimations par les organisations mondiales) personnes qui ont péri dans cette entreprise, mais aujourd'hui, la réussite de nos jeunes générations dans les pays d'asile représente, pour nous tous, une grande consolation.


- Par ailleurs, dans cette épreuve, trois cent mille bêtes ont laissé leur vie (de faim, de soif, d'épuisement ou sous les crocs des prédateurs) mais à l'inverse, quatre cent mille autres naissent chaque année, donnant tout son sens à cette périlleuse migration, et aujourd'hui, les gnous continuent de vivre libres dans la savane du Serengeti.

Autrement dit, la vie est toujours plus forte que la mort, du moins c'est l'impression que j'en tire. C'est tellement merveilleux.

Instinct de conservation
L'image d'une fleur traversant le macadam d'une autoroute est tellement symbolique. Dès le départ, la vie peut déjà apparaître dans les conditions les plus difficiles.
Naissance, Vieillesse, Maladie, Mort, tel est le cycle de la vie. Il n'y a pas de vie sans mort, mais une fois née, toute espèce vivante va lutter de toutes ses forces pour survivre, à n’importe quel prix. C’est l’instinct de conservation, une des lois de la nature.
Toute espèce vivante a besoin de se nourrir pour vivre, les plantes doivent absorber de l’eau et de la lumière, les animaux mangent de l’herbe, des fruits ou d’autres animaux, les humains se nourrissent de légumes, de fruits, de viandes, de poissons. Mère Nature sait s’arranger pour que les espèces se nourrissent entre elles tout naturellement.
Ventre creux n’a point d’oreille et manger est de première nécessité. Pas de riz ? On mange tout tubercule et s’il faut faire les poubelles pour trouver à manger, on le fera. On ira même jusqu’à se nourrir de chair humaine comme cela a été le cas des survivants de l’accident d’avion dans les Andes en 1974.
Sur cette planète, ils sont des millions à se nourrir avec un dollar par jour, mais ils continuent de survivre, de se reproduire, de rester en vie.

Nous voulons vivre, nous devons vivre, à tout prix. J’ai connu des personnes touchées par la maladie du cancer et à qui le médecin avait « donné » quelques mois à vivre mais qui ont réussi à tromper la mort pendant des années, comme par défi, en trouvant la vie dans la mort.
Sur Internet ou sur YouTube, nous pouvons voir bien des cas de personnes  handicapées qui réussissent à vivre de manière « normale », et même le cas d’un chien qui, ayant perdu ses pattes de devant se déplace debout sur ses deux pattes arrière.
Les Jeux Paralympiques sont là pour promouvoir cet esprit. Avec tout cela, comment pourrais-je encore me plaindre ou considérer que je n’ai pas de chance dans la vie ?
Personne ne veut mourir et d’ailleurs, vouloir mourir n’est pas chose aisée et tenter avec lucidité de mettre fin à sa vie demande un courage extraordinaire, courage qu’il vaudrait mieux consacrer à vivre, non ?
Tel est l’instinct de conservation.

Instinct de reproduction
Comment subsister s'il n'y a pas de vie sans mort ? En se reproduisant. C’est un puissant instinct que la Nature a imaginé pour que les espèces se perpétuent sur Terre.
Je suis fasciné par les films documentaires sur la nature et je ne cesse de m’émerveiller de la manière dont la nature organise la vie sur Terre.
Dans le film « Great migrations – Born to move », National Gegraphic raconte la migration d’une espèce de crabes rouges sur l’île Christmas, territoire extérieur australien situé dans l’Océan Indien.
Chaque année, à la saison des pluies, près de cent millions de crabes, les mâles en tête, quittent leur forêt et entreprennent un voyage de dix-huit jours pour aller vers la mer et s’y reproduire. Après avoir rempli leur « devoir », les mâles retournent vers la forêt, laissant les femelles pondre leurs œufs et aller les lâcher dans la mer avant de rentrer elles-mêmes.
Sur les deux trajets aller-retour, un million d’entre eux périront de faim, de déshydratation, sous les pneus des voitures (quand ils ont à traverser les routes) ou dévorés par les terribles fourmis jaunes (yellow crazy ants). D’autre part, seulement une année ou deux sur dix, les œufs iront jusqu'au bout du processus mais cela suffit pour perpétuer l’espèce. Chose merveilleuse, la colonie de bébés-crabes saura retrouver, sans l’aide des parents, leur chemin jusqu’à la forêt. 

Encore plus remarquable est la migration des (papillons) Monarques. Chaque année, vers octobre, avant que n’arrivent les grand froids, un milliard de ces papillons quitteront le Canada et le Nord des Etats-Unis et parcourront trois mille kilomètres en neuf cents heures, jusqu’au sud de la Californie et le Mexique central pour y hiberner, se reproduiront au printemps puis feront le voyage de retour.
Cependant, alors que le voyage aller s’est fait avec une génération, le voyage retour sera réalisé par trois générations différentes qui se relaieront pour se reproduire et rentrer. In fine, il aura fallu quatre générations de papillons pour réaliser le double processus reproduction-migration en un cycle annuel complet.
Et comme dans le cas des crabes rouges, ces papillons ont juste besoin de leur instinct gravé dans leurs antennes (et dans leurs gènes) comme outil de navigation, et bien souvent, ils savent jusqu’à retrouver les mêmes arbres qui ont abrité leurs parents ou grands-parents.

Les plantes doivent également se reproduire. Les arbres donnent des fleurs puis des graines que le vent ou d’autres animaux se chargeront d’aller semer ailleurs. Chaque arbre qui meurt est ainsi relayé par d’autres et la vie continue.
J’ai entendu dire que des graines retrouvées dans les pyramides en Egypte auraient réussi à germer (?)

Comme pour les mammifères, les reptiles, les oiseaux, les hommes sont porteurs de testostérone, cette hormone male qui leur fait courir les filles, se marier et faire des enfants pour assurer leurs descendances. Pas étonnant qu’ils soient portés sur la chose et que leur cerveau soit situé en-dessous de la ceinture (il parait). Alors, ne nous en voulez pas, mesdames, car sans cela, l’espèce humaine serait en extinction depuis belle lurette.

S’adapter pour survivre
Vivre n’est pas facile, mais subsister d’une génération sur l’autre l’est encore moins, car le milieu environnant ne cesse d’évoluer. Depuis les premières formes de vie sur cette planète, il y a près de quatre milliards d’années, les espèces apparaissent et disparaissent, encore et toujours.
Selon Charles Robert Darwin, les espèces évoluent selon un processus de sélection naturelle, c’est-à-dire que seules celles qui sauront s’adapter à leur environnement survivront, les autres disparaîtront.

La nature n’encourage pas les laisser-aller et ne pardonnent pas les erreurs
(Ralph Waldo Emerson)

Le bec des différentes espèces d’oiseaux s’est modifié pour s’adapter aux nécessités de se nourrir, à l’instar des cigognes qui ont dû « allonger » leur bec pour aller chercher à manger dans l’eau. Autre exemple : les girafes ont dû progressivement "étirer" leur cou pour accéder aux hauts feuillages et survivre en saison sèche. Même les bactéries ont dû se modifier pour résister aux antibiotiques.
Quand on pense que 99% des espèces qui ont vécu sur terre ont disparu, ceci voudrait dire que bien des espèces se sont transformées pour subsister aujourd’hui.
La vie est vraiment plus forte que la mort.

A propos des humains, nous savons tous nous adapter à court terme, à notre environnement direct pour survivre et réussir. Mais les époques changent et nous devons changer nous-mêmes pour nous adapter, changer notre regard, notre manière de penser, changer jusqu’à notre personnalité s’il le faut. Ainsi donc, puisque nos enfants et petits-enfants naissent et vivent sur des terres d’asile, nous ne pouvons espérer qu’ils pensent et vivent comme nous. Notre génération, la génération sandwich, disparaîtra mais les générations suivantes devront vivre comme des Français, des Américains, des Australiens… pour subsister et perpétuer les lignées, même si celles-ci évolueront elles-mêmes dans le temps. Telle est la loi de l’évolution.

Transcender la vie
La force de vie est actionnée par le puissant moteur de l’instinct de conservation. D’une génération à l’autre, la vie continue après la mort par le biais de la reproduction. Sur une plus grande échelle de temps, les espèces doivent évoluer pour s’adapter avec le milieu environnant pour subsister.
Pendant quatre millions d’années, la famille des homininés a évolué jusqu’à la branche de l’Homo antecessor, ancêtre direct de l’Homo sapiens (Homme moderne), pour arriver jusqu’à notre lignée humaine. Pendant tout ce parcours, « nous » avons su distancer de très très loin toutes les autres espèces pour nous imposer définitivement comme les « maîtres absolus » de la planète. Grâce à une boîte crânienne, et donc un cerveau, bien particuliers, nous avons acquis la connaissance pour comprendre (un grand merci à Adam et à Eve pour avoir croqué la pomme), l’intelligence pour créer, les langages pour communiquer et transmettre, des émotions pour une vie intérieure. Tous ces atouts nous permettent de nous nourrir plus facilement et mieux, de nous loger à l’abri des intempéries, de vivre en sécurité, de nous soigner grâce à la médecine,… et ainsi donc, de vivre beaucoup plus confortablement que toutes les autres espèces.

Pour alimenter notre force de vie, nous avons un corps, un esprit, une âme et aussi des nobles sentiments pour transcender l’existence.
Les idéaux sont une force qui élève l’Homme à des niveaux supérieurs. Ainsi, pour sa patrie, pour ses compagnons d’armes, un soldat sera prêt à donner sa vie.

Mais dans la vie, l’Amour est, à mon avis, le plus porteur de sens.
Nous savons tous combien les parents peuvent aimer leurs enfants, au point de tout sacrifier pour eux et il n’est nul besoin de preuves pour cela.
Dans le drame du massacre dans une salle de cinéma dans le Colorado (Etats-Unis), certains jeunes gens avaient donné leur vie pour leur petite amie en leur servant de bouclier, dépassant ainsi leur propre instinct de conservation au nom de l’amour.
Il est commun d’aimer les membres de sa famille, ses amis, ses proches mais consacrer sa vie à aimer des « inconnus » comme l’ont fait Mère Teresa, l’abbé Pierre,... et tous ces volontaires œuvrant dans les organisations caritatives de par le monde relève de l’Amour suprême.
A propos de solidarité, l’année dernière, le peuple japonais avait bouleversé le monde entier par son courage et son civisme face au drame de Tsunami.

L’amour sous toutes ses formes et tous les sentiments nobles dont nous sommes dotés donnent sens à la vie et élèvent son niveau au-dessus des instincts de base. C’est peut-être ce qui fait le plus la différence entre les êtres humains et les autres.

Le revers de la médaille
La vie est plus forte que la mort mais les extrêmes s’attirent et la mort courtise la vie.
Les nobles sentiments ont leurs vis-à-vis du côté des « ténèbres ».
Sans notre intelligence, les animaux ne tuent que pour manger, jamais par méchanceté.  Ils ne suivent que les lois de la nature et n’ont pas les mêmes « vices » que les humains.
Dans leur combat pour la survie et pour gagner leurs droits de vivre, les hommes peuvent faire preuve de violence extrême, les puissants peuvent opprimer les faibles, les riches exploiter les pauvres, les malins profiter des naïfs…
Pour leurs intérêts personnels, les hommes savent être égoïstes (après moi le déluge), lâches, tricheurs… Ils peuvent devenir cupides, vouloir accaparer toujours plus, parfois au dépens des autres.
Au nom des intérêts nationaux ou de la sécurité de l'état, les hommes peuvent entrer en guerre, aller jusqu’au génocide des fois pour élargir leurs territoires ou leur zone d’influence, gagner en pouvoir sur les autres.
Au nom d’un idéal (politique, religieux, économique,…), les hommes peuvent tuer de sang-froid ou servir de bombe humaine, ils peuvent emprisonner et tuer en masse sans autre forme de procès. Depuis des milliers d’années, combien de millions d’innocents sont ainsi morts sous le joug de tyrans sanguinaires ?
Au nom du progrès matériel, les hommes peuvent gaspiller les ressources de la planète, détruire le fragile équilibre écologique, sacrifiant ainsi l’avenir des générations à venir.
Tous ces drames ont toujours existé depuis la nuit des temps et l’Histoire se répète inlassablement tous les jours. Revers de l’âme humaine.

Vivre, une équation bien complexe
Pour un sujet si vaste et si complexe, je suis bien conscient que je ne peux en soulever que quelques aspects et de manière superficielle, tout comme je n’ai pas l’ambition de proposer des solutions.
Plus j’y pense et moins je comprends. La vie est une système plus que complexe et je laisse aux sages, aux philosophes, aux poètes, aux scientifiques, aux politiciens et autres experts le soin de l’étudier et de suggérer des réponses. J’ai bien peur que ce bas-monde ne sera jamais un paradis et que, comme disait Bouddha, la vie sera toujours souffrance.
Pour ma part, sachant que je dois vivre pour moi et avec les autres (mes proches et les autres), je ne peux qu’essayer de vivre une vie pleine et qui ait du sens, de vivre en accord avec ma conscience, de vivre serein et la paix dans l’âme (surtout à mon âge).
Car résoudre une telle équation ne relève plus de la nature ou de la science mais de « l’art de vivre ».  Et dans ce domaine, j’ai encore bien des choses à apprendre.
Pendant toutes ces années, j’ai essayé de comprendre quelques petites « vérités » et de les mettre en application, mais alors, qu’est-ce que c’est dur !

Yên Hà, août 2012

2 comments:

  1. "What lies behind us and what lies before us
    are tiny matters compared to what lies within us."
    - Ralph Waldo Emerson
    PB

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  2. Nice reminder. Let's look WITH IN us.
    Thanx for the quote.

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