ARTSHARE

Jan 16, 2012

Paris, mon amour

Six ans déjà que j’ai quitté ma belle Paris pour aller rejoindre la femme de ma vie, de l’autre côté de l’Atlantique. Beaucoup d’eau a dû couler sous les trente-sept ponts qui enjambent la Seine et pourtant, toute l’eau de la planète ne saurait nettoyer mon cœur de la marque indélébile de cette ville qui m’est si particulière.
Des villes, j’en ai connues pourtant : trois ans à Hanoi, quinze ans à Saigon, cinq ans à Liège (Belgique), trois ans à Lille, trois ans à Toulouse, vingt-six ans à Paris, puis Woodstown (New Jersey, USA) depuis plus de six ans, sans compter toutes les villes de par le monde que j’ai pu visiter. Alors, pourquoi Paris ? Qu’a-t-elle de si attachant pour que ses amoureux soient si nombreux ?

Belle, oui, elle l’est assurément, dans toutes ses facettes, sous toutes les (hautes) coutures, de tous points de vue. 
Elle peut être élégante avec ses défilés de mode, ses parfums et ses produits de luxe, bourgeoise ou aristocratique à la NAP (Neuilly, Auteuil, Passy), parée de bijoux autour de la place Vendôme, fière et majestueuse comme les Champs-Elysées et son défilé du 14 juillet, étincelante et flamboyante les soirs de fête.
Elle peut être aussi villageoise par quartiers, avec ses marchés de plein air, populaire comme un bal musette à la Bastille, ouvrière comme un défilé entre Nation et République, ou encore légère et frivole, un brin canaille à Pigalle avec son « french cancan » et ses quartiers « chauds ».

Elle a ses côtés romantiques avec ses bords de Seine, jeunes et estudiantins à Saint Michel ou Saint Germain, artistes avec ses peintres à Montmartre (qui d’entre nous n’a pas vibré avec Charles Aznavour et sa « bohème » ?) et ses musiciens dans les caveaux de Jazz à Saint Michel, sportifs comme un jogging aux Buttes-Chaumont.
Elle est certainement intelligente et cultivée avec ses Arts et ses Lettres, sa belle langue française, sa Sorbonne et  ses Académies, riche de son passé, son histoire et sa culture (je dirais même qu’au-delà de ses musées, elle est un vrai musée vivant), raffinée dans ses goûts, ses manières, son savoir-vivre, « fine gueule » dans son manger et dans son boire, gourmande et gourmette dans sa (ses) cuisine(s), langoureuse dans ses vins.

Autrement, elle est simple comme le jour qui passe, calme et paisible comme ses jardins et ses parcs, ses canaux et ses péniches, tendre comme un bisou de bébé, fraîche et savoureuse comme une tartine beurrée, chaude et suave comme un bol de café au lait au petit matin.

Mais Paris est tout sauf une ville-carte postale. Son charme ne réside pas dans la tour Eiffel où ses monuments à prendre en photo pour touristes, ni dans ses moyens de divertissement que n’importe quelle grande ville pourrait offrir. Paris n’est pas qu’une ville à voir ou à visiter, c’est une ville à vivre. Son âme n’est pas à vendre par les agences de voyage, vous avez à la découvrir par et pour vous-même. Venez à elle les sens en éveil et le cœur ouvert, et vous vivrez quelque chose d’unique. Passade agréable, aventure-passion, liaison suivie ou sentiments profonds, c’est vous qui choisissez. 
Je vous parlerai, moi, de ma Paris à moi.

Un plaisir parisien bien connu : ses cafés. Que ce soit un bistrot de quartier ou un café célèbre tel que le Café de la Paix, le Flore (où venait écrire Jean-Paul Sartre) ou les Deux Magots (fréquenté par Ernest Hemingway), le café n’est surtout pas un « fast drink » mais d’abord un lieu de rencontre et d’échanges. On y entre pour se désaltérer ou couper une petite faim, mais surtout pour se retrouver entre copains, tailler une bavette (discuter) au comptoir ou simplement pour trouver un moment de répit.
«  Le comptoir d’un café est le Parlement du peuple », disait Honoré de Balzac.
Il y a un café pour chaque occasion, pour chacun, selon son humeur, ses affinités : café-politique, café-littéraire, café-philo, café-concert (caf’con), café-théâtre, café-librairie et de nos jours, cyber-café…
Tavernes, bistrots, troquets, bars, estaminets, les cafés ont été des lieux d’inspiration, de travail et d’exposition de nombreux artistes, dont ceux de l’Ecole de Paris, et des symboles de modes de vie. Vivants et témoins de son époque, ils épousent les mouvements de la capitale et de l’histoire.
Pour beaucoup, s’asseoir à la terrasse d’un café, flanqué d’un journal ou d’un livre, siroter un petit (café) noir, d'un pastis ou une (bière) pression et observer nonchalamment les passants (et surtout les passantes) qui passent et la vie qui se passe, il n’en faut pas plus pour être heureux, tout simplement.

Nous ne saurions parler de Paris sans évoquer son aura gastronomique et ses plaisirs de la bouche. Evitez simplement les quartiers touristiques et les restaurants « de passage » aux alentours des gares et allez là où vont les Parisiens. Nul besoin de guide touristique, ni des restaurants étoilés. Allez à la rencontre de la cuisine française sans appréhension et osez essayer ; une bonne surprise en effacera toutes les mauvaises.

Aujourd'hui, je me mitonne toujours mes bons petits plats bien français (choucroute, pot-au-feu en hiver, taboulé en été, oeufs pochés au vin rouge, homard à l'américaine, ... mais beaucoup trop de plats me manquent : mes 365 fromages (surtout un maroilles bien odorant), un bon cassoulet, un royal plateau de fruits de mer (avec deux douzaines d'huîtres), mes escargots au beurre et à l'ail, mes cuisses de grenouilles, un lapin à la moutarde, une tête de veau à la sauce gribiche, ... et même un couscous bien marocain. Que mon cholestérol me pardonne quand je retourne au pays, mais j'ai bien des choses à rattraper. (Je salive comme une fontaine rien que d'y penser.)

Les dames apprécieront s’abandonner à leurs petits péchés mignons, entre amies, dans un salon de thé, pour déguster clafoutis, macarons, babas au rhum entre autres pâtisseries, confiseries et chocolats, accompagnés d’un thé de Chine ou d’un cappuccino débordant de crème fraîche et discuter des derniers potins du jour. 
A la saison de Noël (une fois l'an seulement), les marrons glacés seront de mise.
Pour ma part, me réchauffer un soir d’hiver avec un sachet de marrons chauds et un vin chaud suffit pour illuminer mon cœur et mon corps.

Se perdre dans les rues de Paris est un autre délicieux plaisir. Choisissez un quartier : Bastille, Montmartre, Montparnasse, Saint Germain ou Saint Mich’, Ménilmontant… peu importe lequel, et laissez-vous gagner par le charme de ses rues et de sa vie de quartier. Et n’ayez pas peur de perdre votre chemin, vous retomberez toujours sur une bouche de métro d’où vous pourrez regagner votre hôtel.

Etroitement associée, la Seine joue un rôle essentiel dans l’histoire et la vie de Paris. 
Elle divise la ville en « Rive droite » et « Rive gauche », deux sœurs jumelles mais de personnalités très différentes. Historiquement, la Rive gauche était surtout le fief des artistes, des intellectuels, des professeurs et des étudiants tandis que la Rive droite comptait essentiellement les bourgeois, les commerçants et le milieu des affaires. Rappelons que l’orientation gauche-droite est définie par le sens du courant, en considérant que le fleuve se jette dans la mer. La rive gauche est donc au sud de la Seine, la rive droite au nord.
Petit détail pour les curieux mais utile pour rouler dans Paris : le sens de numérotation des maisons est également basé sur ce critère, en ordre croissant selon le sens du courant pour les rues qui lui sont parallèles et depuis la seine pour les rues qui lui sont perpendiculaires.

J’aime beaucoup aller au jardin du Luxembourg (le Luco pour les intimes) avec mon appareil photo, m’installer à un banc ou une chaise métallique, observer les enfants jouer aux abords du grand bassin, tirer quelques portraits, déambuler dans les allées en compagnie des statues ou me retirer dans le calme de la fontaine de Médicis.
Pour leur footing, les sportifs pourront préférer d’autres espaces verts comme le parc Monceau, les Buttes-Chaumont, le bois de Vincennes ou le bois de Boulogne (connu à d’autres titres) mais ils n’auront que l’embarras du choix, Paris étant la ville la plus boisée d’Europe.
J’ai eu la chance de découvrir les rues de Paris en « roller blade » seul ou en groupe, quelques dimanches après-midis, dans une manifestation appelée « Rando roller », organisée par une association et soutenue par la Mairie pour l’aspect « sécurité ». Expérience grisante et pleine d’émotions à vivre.

Certains dimanches, se promener en silence dans les allées du cimetière du Père Lachaise n’a rien de macabre mais permet de se retrouver et d’échapper, l’espace d’un après-midi, aux rythmes effrénés de la capitale. Vraiment un endroit où se reposent les morts et les vivants.


Autre activité du dimanche : faire son marché de quartier. Couverts ou découverts, ils sont plus d’une centaine à Paris. Personnellement, j’ai un petit faible pour le marché d’Aligre mais à chacun, son marché. J’y allais pour la fraîcheur des produits, les petits prix mais surtout pour l’ambiance, pour la chaleur humaine (même si je ne suis pas obligé de discuter avec les gens) et aussi pour soutenir le petit commerce et les activités de quartier.
D’aucuns aimeront « chiner » dans les marchés aux puces, Porte de Saint-Ouen, Porte de Vanves ou encore Porte de Montreuil, même si les vraies affaires sont devenues rares. Mais toujours pour l’ambiance.
Non, les dimanches à Paris, même sans shopping, ne sont jamais tristes et ennuyeuses. 

Plus simplement, le bonheur et la douceur de vivre se conjuguent au quotidien : s’arrêter au comptoir pour un petit noir avant d’aller au bureau, aller chercher sa baguette de pain en bas de chez soi et la ramener bien entamée déjà, parler de la pluie et du beau temps avec le concierge de l’immeuble, conter fleurette à la voisine, se promener… Et tout peut être plaisir.

Pour ma part, mes vingt-six ans à Paris se seront déroulés dans le 4e et dans le 12e (Gare de Lyon puis Daumesnil) mais mon 12e à moi me manquera le plus. Je repense souvent à la grande place derrière la gare de Lyon où je venais faire mon apprentissage des « roller blades », les boutiques sous les arcades au Viaduc des Arts et au-dessus, la « promenade plantée » encore appelée « la coulée verte », les cafés du coin… et tout le reste.
Et ne comptez pas sur moi pour vous raconter les Parisiennes, ce serait trop personnel, n’est-ce pas ?

Que mes amis non-parisiens me pardonnent, je l’avoue : je suis chauvin, et puis non, je suis tout simplement amoureux et le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas, tout comme personne ne m’en voudra de trouver ma femme parfaite, non ?
Bien sûr, comme tout être vivant, Paris a ses propres défauts, mais pourquoi en parler ? Quand on aime, on prend le bon c
ôté et on accepte le moins bon, c’est le secret de l’Amour et des couples unis.
Comme disait Enrico Macias, et comme je me plais toujours à chanter :
« … Toi, Paris, je suis bien dans tes bras… »


Yên Hà, janvier 2012

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